Port-au-Prince : un enseignant assassiné, sa fillette meurt une semaine plus tard

Port-au-Prince : un enseignant assassiné, sa fillette meurt une semaine plus tard

Une parole de trop, un regard peut-être mal placé, il n’en faut pas plus, aujourd’hui, pour mourir à Port-au-Prince. C’est ce qui est arrivé à M. Dupuy Maurice, professeur d’anglais respecté au Lycée National de Pétion-Ville, abattu en plein jour par des terroristes alors qu’il se rendait à son travail. Quelques jours plus tard, sa fille de 7 ans, Consuélita Emmanuella Dupuy, meurt à son tour, terrassée par des douleurs abdominales ou par une peine immense.

La tragédie a choqué les habitants de Fontamara, mais elle s’inscrit dans une réalité devenue presque banale : celle d’un pays où la violence règne en maître, où l’État est invisible, et où les mots mêmes peuvent devenir des menaces de mort. « Yon jou sa gen l pou fini », aurait dit M. Dupuy en voyant des bandits rançonner les passants à un poste péage à la rue Nicolas. Une simple phrase, lancée peut-être par colère ou par désespoir. Une phrase de trop. Il a été tué sur-le-champ.

Face à l’horreur, la douleur n’a pas laissé le temps de s’atténuer. Consuélita, qui venait de perdre son père, s’est plainte de vives douleurs. Sa santé s’est dégradée rapidement. Sept jours après l’assassinat, elle est morte. Pour la famille, aucun doute : c’est le chagrin, c’est le choc. Peut-on vraiment vivre à 7 ans avec un cœur brisé, dans un pays où l’on enterre les siens sans comprendre pourquoi ils sont morts ?

Ce double deuil raconte une histoire plus large que celle de la famille Dupuy. C’est l’histoire d’un pays en ruines, d’un État absent, d’une société à bout de souffle. Un enseignant tué pour avoir osé parler. Une enfant morte parce qu’elle n’avait plus la force de pleurer. Et autour, l’indifférence. Les condamnations sont timides, les responsables absents, les institutions impuissantes ou complices.

Combien faudra-t-il de morts pour qu’on cesse de faire semblant ? Combien d’enfants comme Consuélita devront partir trop tôt, combien de professeurs comme M. Dupuy devront tomber, avant que cette hémorragie cesse ?

La mort rôde partout en Haïti. Mais ce qui tue, ce n’est pas seulement la balle. C’est le silence. C’est l’habitude. C’est notre capacité à continuer comme si de rien n’était.

Le deuil de la famille Dupuy est le nôtre. Ou du moins, il devrait l’être.

GPL Media Libre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *