Artibonite-Massacre à Préval : environ 15 morts, juqu’où ira l’inaction de l’État ?
Le sang a coulé une fois de plus, dans l’indifférence glaciale de ceux qui prétendent gouverner. Le mardi 20 mai, dans l’après-midi, la section communale de Préval, située dans la Petite-Rivière-de-l’Artibonite, s’est transformée en charnier.
Environ une vingtaine de personnes y ont été froidement massacrées, parmi elles le pasteur Jacques Brutus, figure respectée de la communauté. Ce carnage, comme tant d’autres, s’inscrit dans la longue et macabre liste des crimes restés impunis qui définissent désormais la normalité haïtienne.
Selon plusieurs habitants de la zone, les auteurs de cet acte barbare seraient des membres d’une brigade d’autodéfense, épaulés par une coalition armée dirigée par un certain Jean Denis. Le prétexte ? Les victimes auraient prétendument des liens avec le gang de Savien, tristement célèbre dans la vallée de l’Artibonite. Une accusation sans procès, sans preuve, sans justice – seulement des balles et des larmes.
Mais ce n’est pas seulement la coalition armée qui est coupable. Ce carnage signe, une fois de plus, l’échec total de l’État haïtien – un État absent, désincarné, complice par son silence et sa passivité. Où était la Police nationale ? Où était la Justice ? Où était le gouvernement ? La réponse, on la connaît : nulle part. À Port-au-Prince, dans les salons climatisés, on gesticule, on communique, on promet, pendant que dans l’Artibonite on tue, on brûle, on pleure.
Fait troublant : ce massacre survient après les déclarations du secrétaire d’État américain Marco Rubio, qui proposait des solutions pour enrayer l’insécurité. Une sortie suivie, comme par malédiction, d’un bain de sang. Faut-il y voir un message sanglant des groupes armés ? Ou une stratégie perverse pour maintenir le chaos, utile à certains intérêts ? Peu importe : l’État ne protège pas. Il regarde ailleurs. Ou pire, il négocie.
Le nom de Préval s’ajoute ainsi à ceux de La Saline, Bel-Air, Croix-des-bouquets, Cité-Soleil, Carrefour-Feuilles, Solino, Nazon, Martissant… Des lieux devenus symboles d’un pays abandonné à la merci des kalachnikovs. Comment expliquer que des groupes armés circulent librement, organisent des expéditions punitives en plein jour, alors que des citoyens honnêtes doivent fuir ou se cacher pour survivre ?
Cette tuerie est un affront à la dignité humaine, une claque au visage des principes les plus élémentaires de droit et de justice. Elle appelle non seulement à l’indignation, mais à une condamnation ferme et à des actions concrètes.
Préval pleure ses morts. Mais Haïti tout entière devrait crier. Car tant que ces massacres resteront impunis, c’est le pays tout entier qui est exécuté, balle après balle, dans le silence complice de ceux qui nous gouvernent.
Jean Daniel PIERRE
