Rentrée scolaire 2025–2026 : à Carrefour, ce sont les gangs qui fixent les règles
Quelques jours avant la rentrée scolaire 2025–2026, le Haut Commandement de la Police Nationale d’Haïti (PNH) avait tenu une réunion stratégique à Port-au-Prince pour promettre un renforcement du dispositif de sécurité dans le département de l’Ouest. Sous la présidence du Directeur Général a.i., le Commandant en chef André Jonas Vladimir Paraison, les cadres de la PNH ont réitéré leur volonté de protéger les écoliers, enseignants et parents, en annonçant une mobilisation « totale » afin d’assurer une rentrée académique « dans un climat stable et serein ».
Pourtant, dans la réalité quotidienne des habitants, et en particulier dans la commune de Carrefour, le contraste est saisissant. Alors que le discours officiel met en avant la rigueur, la vigilance et la coordination des forces de l’ordre, c’est un chef de gang, et non la PNH, qui dicte les règles de la rentrée.
Dans cette commune stratégique à l’entrée sud de la capitale, c’est Krisla, figure armée bien connue, qui impose son autorité. À l’approche de la reprise des classes, il a lancé un ultimatum à la mairie de Carrefour : la commune doit être « propre » pour l’ouverture des écoles. Et, fait révélateur de l’effacement de l’État, l’administration municipale s’est empressée d’obéir.
Une commission de nettoyage a même été formée, non pas sur décision de la mairie, mais en réponse directe aux exigences d’un bandit. Ce spectacle surréaliste illustre la soumission des institutions locales à une autorité parallèle, confirmant l’incapacité de l’État à garantir le minimum de gouvernance dans une commune pourtant essentielle à la vie de la capitale.
Carrefour n’est pas un cas isolé, mais il représente aujourd’hui un symbole de l’impuissance publique. Alors que la PNH multiplie les conférences et les promesses de fermeté, les habitants de cette commune vivent au rythme des consignes de Krisla et de ses hommes. Pour de nombreux parents, envoyer leurs enfants à l’école devient un pari dangereux : comment croire à la sécurité annoncée par la police alors que la mairie elle-même ploie sous la volonté d’un chef de gang ?
La peur se lit sur les visages des familles, contraintes de composer avec deux réalités contradictoires : d’un côté, les belles paroles des autorités centrales, de l’autre, l’emprise visible et quotidienne des groupes armés. Des quartiers entiers du département de l’Ouest restent pratiquement inaccessibles aux forces de l’ordre. Les commissariats, qui selon la PNH doivent jouer un rôle stratégique, sont majoritairement détruits.
Le contraste est encore plus frappant quand on compare la fermeté du discours policier et la soumission totale de la mairie. Là où l’on attendrait une autorité publique guidant ses citoyens, c’est un criminel notoire qui s’impose comme donneur d’ordres. Plus qu’un affront, cette réalité traduit l’effondrement d’un État incapable de protéger sa population, encore moins ses enfants en âge d’apprendre.
La rentrée scolaire, qualifiée de « moment sensible » par le Directeur Général Paraison, révèle surtout la faillite des institutions face à la montée en puissance des gangs. Au lieu d’être rassurés par les sirènes de police, les habitants de Carrefour, Martissant, Mariani, Merger entre-autres doivent aujourd’hui tendre l’oreille aux ultimatums des chefs de bande pour savoir à quoi ressemblera leur quotidien. Dans une telle situation, la promesse d’une rentrée stable et sécurisée sonne comme une illusion.
En vérité, ce ne sont pas les uniformes bleu marine de la PNH qui dictent l’ordre à Carrefour, mais bien les armes de Krisla et de ses acolytes. Et tant que cette réalité persistera, la rentrée scolaire 2025–2026 restera pour beaucoup de familles un chemin semé d’angoisse, où la crainte des gangs l’emporte sur la confiance en l’État.
