Me Monferrier Dorval : 5 ans d’oubli, d’indifférence et d’impunité

Me Monferrier Dorval : 5 ans d’oubli, d’indifférence et d’impunité

Le 28 août 2020, Me Monferrier Dorval, bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, professeur de droit constitutionnel, ancien avocat et diplomate, a été abattu devant son domicile à Pèlerin 5, dans la commune de Pétion-Ville.

Sa disparition brutale a bouleversé non seulement le monde juridique, mais aussi toute la société haïtienne. Quelques heures auparavant, il avait encore défendu publiquement l’idée d’un pays fondé sur le droit, déclarant avec conviction : « Je ne m’appartiens plus, j’appartiens au pays. Je fais le sacrifice de ma vie pour servir le pays. J’aime ce pays. »

Cinq ans plus tard, aucune vérité n’a été établie, aucune justice n’a été rendue. Plusieurs juges d’instruction se sont succédé sur le dossier, sans qu’aucun d’entre eux n’arrive à le mener à terme. L’affaire est marquée par les blocages, les lenteurs, les intimidations et les manquements graves au niveau institutionnel.

Dès les jours qui ont suivi son assassinat, des étudiants de différentes entités de l’Université d’État d’Haïti ont gagné les rues pour réclamer justice. Ils voyaient dans ce crime odieux non seulement l’assassinat d’un éminent juriste, mais aussi une attaque frontale contre l’État de droit. Le meurtre de Me Dorval n’était pas seulement une perte pour le Barreau, mais pour toute une génération d’Haïtiens qui croyaient encore dans la force du droit et des institutions.

Des suspects ont été arrêtés dans le cadre de cette affaire, mais ces arrestations n’ont pas permis de faire avancer le dossier. Pour beaucoup, elles n’avaient d’autre objectif que de créer une diversion et de donner l’illusion que la justice suivait son cours. La réalité, cinq ans après, est tout autre : les vrais commanditaires de l’assassinat de Me Dorval n’ont jamais été inquiétés. Ils continuent de circuler librement, protégés par un système où l’impunité est devenue la règle.

En Haïti, l’impunité n’est pas seulement un fléau : elle est devenue une véritable manière de vivre, un mode de gouvernance. Dans ce pays, si vous êtes victime d’un crime, aucun appareil judiciaire ne viendra vous rendre justice. Peu importe que vous soyez un simple citoyen, un bâtonnier de l’ordre des avocats ou même un président en fonction : la machine judiciaire ne protège personne.

Cinq ans après le drame, la mort de Me Monferrier Dorval reste donc une blessure ouverte. Elle symbolise l’échec de la justice haïtienne, la faillite des institutions et l’enracinement de l’impunité. Tant que les assassins et leurs commanditaires ne seront pas jugés, c’est l’État de droit lui-même qui restera assassiné en Haïti.

Steeve Luc PIERRE

Crédit photo : Facebook

GPL Media Libre

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