Au Bicentenaire, le centre GHESKIO résiste à l’effondrement
Dans une capitale ravagée par la violence, la faim et l’effondrement des services essentiels, GHESKIO tient bon. Alors que près de 80 % des cliniques de santé de Port-au-Prince ont cessé de fonctionner, l’institution médicale implantée au Bicentenaire continue d’accueillir, de soigner et de soutenir les plus vulnérables. Elle demeure l’un des rares prestataires de soins encore opérationnels dans une ville où la majorité des structures sanitaires ont fermé leurs portes.
Depuis le lancement de son programme de réponse rapide à la mi-avril 2025, GHESKIO a su adapter son action à l’ampleur de la crise humanitaire. L’organisation a élargi ses services à 14 camps de déplacés internes et, en collaboration avec le Fonds d’assistance économique et sociale (FAES), elle a pu fournir une aide vitale à des milliers de familles : soins médicaux, soutien psychologique, aides financières, denrées alimentaires, et parfois même, un peu d’espoir.
En quelques mois, plus de 42 000 patients ont été pris en charge. Parmi eux, plus de 3 000 femmes et jeunes filles victimes de violences basées sur le genre ont bénéficié de soins et d’un accompagnement spécialisé. Parallèlement, plus de 2 000 personnes ont consulté pour des troubles liés à la santé mentale, notamment le stress post-traumatique. GHESKIO poursuit ses interventions en santé primaire, assure le traitement des maladies chroniques, distribue des compléments nutritionnels pour les enfants et administre des vaccins.
L’organisation n’a pas seulement maintenu ses services : elle a aussi réhabilité des logements pour plus de 2 000 familles déplacées et fourni une assistance médicale à plus de 20 000 personnes supplémentaires dans des sites improvisés. Depuis le début de l’opération, plus de 3 000 survivantes de violences sexuelles et 850 patients atteints de troubles psychologiques graves ont été accompagnés.
Le contexte reste pourtant d’une gravité extrême. Plus de 1,3 million de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). En 2025, plus de 4 300 personnes ont été tuées de manière violente entre janvier et avril, d’après un rapport conjoint du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) et du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), publié en mai 2025.
À ce jour, près de 90 % de la capitale est sous le contrôle de groupes armés. Les violences sexuelles sont utilisées comme armes de terreur psychologique, selon la même source.
Par ailleurs, environ 250 000 enfants sont déscolarisés, et 5,5 millions de personnes font face à une insécurité alimentaire aiguë, dont 2 millions en situation d’urgence (chiffres du Programme alimentaire mondial , PAM, juin 2025).
Dans ce chaos quotidien, GHESKIO se dresse comme une lumière qui refuse de s’éteindre. Malgré les menaces, les conditions logistiques périlleuses et l’abandon quasi total des services publics, ses équipes poursuivent leur mission avec courage. Elles soignent, accompagnent, nourrissent et écoutent. Chaque jour, elles sauvent des vies dans un pays où tant de choses semblent irréversiblement perdues.
Jean Daniel PIERRE
