Haïti en flammes, l’OEA en renfort ?
Le feu ne s’éteint pas. Il gagne du terrain, consume les institutions, et ravage les espoirs. Depuis le 25 juin 2024, un premier contingent de 400 policiers kényans a débarqué à Port-au-Prince, dans le cadre d’une mission multinationale annoncée avec tambours et trompettes. Ce jour-là, certains y ont vu un tournant. Presque un an plus tard, les faits donnent tort aux optimistes.
Les violences n’ont pas cessé. Les gangs dictent toujours leur loi sur de larges pans du territoire. L’aide humanitaire, elle, peine à atteindre les populations les plus exposées. L’État, fantomatique, reste sans voix ni bras. Et face à cette impasse, Washington propose une nouvelle piste : l’Organisation des États américains (OEA).
Ce 20 mai 2025, au Sénat américain, le secrétaire d’État Marco Rubio a plaidé pour que l’OEA mette sur pied une mission multinationale, cette fois composée exclusivement de pays membres de l’organisation régionale. Un détour diplomatique qui soulève bien des questions.
Selon Rubio, Haïti est « à deux doigts du drame » – une affirmation difficile à contester tant la réalité dépasse aujourd’hui les seuils habituels de la crise. Mais pourquoi ce revirement ? Pourquoi solliciter l’OEA, alors que la mission kényane est toujours officiellement en cours ? Pour plusieurs analystes, les États-Unis cherchent un plan B. Ou une porte de sortie.
Le choix de l’OEA n’est pas neutre. L’organisation, souvent perçue comme l’ombre diplomatique de Washington, n’a pas toujours fait preuve de neutralité dans le dossier haïtien. Son rôle contesté lors des élections de 2010 ou ses silences face aux dérives politiques des dernières années en font un acteur loin d’être consensuel.
Et pourtant, face à l’échec partiel de la mission portée par le Kenya, confrontée à un terrain explosif et à un manque cruel de coordination, les États-Unis semblent estimer que seule une mobilisation régionale élargie pourrait éviter l’effondrement total.
Mais du côté de la population haïtienne, le scepticisme grandit. Les interventions extérieures se succèdent, les sigles changent, mais les réalités demeurent : insécurité, famine, exil forcé. Dans les quartiers populaires, on se demande ce que change réellement l’arrivée d’un nouveau sigle sur les uniformes.
L’histoire jugera peut-être. Mais aujourd’hui, une certitude s’impose : malgré les policiers venus de Nairobi, malgré les discours de Washington, malgré les déclarations de l’OEA Haïti brûle encore. Et personne ne semble savoir où trouver l’eau.
Jean Daniel PIERRE
