21 ans pour être député, droit de propriété accordé aux étrangers, diaspora intégrée, exécutif renforcé…, zoom sur l’avant-projet de Constitution 

21 ans pour être député, droit de propriété accordé aux étrangers, diaspora intégrée, exécutif renforcé…, zoom sur l’avant-projet de Constitution 

La République d’Haïti vient de franchir une étape décisive dans sa transition démocratique. Ce mardi, lors d’une cérémonie officielle à la Villa d’Accueil, les membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé ont reçu, des mains de l’ancien chef du gouvernement Enex Jean-Charles, président du Comité de pilotage de la Conférence nationale, l’avant-projet de la nouvelle Constitution de la République.

Ce document marque une avancée majeure dans le processus de refondation de l’État, et annonce des changements profonds par rapport à la Constitution de 1987, amendée le 9 mai 2011. Ce texte, qui se veut le socle d’une nouvelle légitimité institutionnelle, contient une série de propositions qui reconfigurent l’organisation du pouvoir, les conditions d’accès aux fonctions électives, ainsi que la représentation de la diaspora.

L’un des changements les plus symboliques : l’âge requis pour briguer certains postes électifs a été abaissé. Ainsi, l’avant-projet permettrait à un citoyen d’être élu maire ou député dès l’âge de 21 ans, contre 25 ans actuellement. Pour devenir sénateur, il suffirait désormais d’avoir 25 ans, alors que la Constitution en vigueur exige 30 ans. Une ouverture que d’aucuns pourraient considérer comme un appel aux jeunes générations à s’engager davantage dans la vie politique.

L’article 71 de l’avant-projet stipule que la Chambre des députés formera, avec le Sénat, le Pouvoir législatif. Chaque arrondissement élira un député au suffrage direct, et des dispositions spécifiques sont prévues pour les grandes agglomérations et la diaspora. Désormais, pour être candidat à la députation, il faudra être Haïtien d’origine, avoir au moins 21 ans, résider et exercer une activité dans la circonscription, et jouir d’un casier judiciaire vierge. Le mandat d’un député sera de cinq ans.

Autre changement de taille : la structure du Parlement. Le document propose de réduire le nombre de sénateurs à deux par département, au lieu de trois, et d’alléger également le nombre de députés et de ministres. Cette réduction vise, selon ses concepteurs, à favoriser un fonctionnement plus efficace, moins coûteux et plus cohérent de l’appareil de l’État.

Toujours dans l’optique de rationaliser la gouvernance locale, les cartels municipaux seraient supprimés. Chaque commune serait désormais dirigée par un seul maire, mettant fin au système de gouvernance à trois têtes instauré depuis plusieurs décennies.

À l’échelle régionale, chaque département disposerait d’un gouverneur élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans, indéfiniment renouvelable. Il serait épaulé par une Assemblée Départementale composée de représentants des Assemblées Municipales. Pour occuper ce poste, il faudra être Haïtien, avoir au moins 25 ans, jouir de ses droits civils et politiques, résider dans le département concerné et avoir un casier judiciaire vierge.

Autre réorganisation importante : le Président de la République ne serait plus une autorité subordonnée, comme le laissait entendre la constitution de 1987. Il n’aurait plus besoin de l’aval du Parlement pour nommer le gouvernement, ce qui marque un rééquilibrage des pouvoirs en faveur de l’Exécutif.

Quant à la représentation de la diaspora haïtienne, souvent réclamée depuis des années, elle est désormais intégrée : deux sièges lui seraient réservés au Sénat, et la loi devrait fixer le nombre de députés issus de la diaspora ainsi que les modalités des élections.

Alors que le texte confirme que la force publique comprend la PNH (Police Nationale d’Haïti) et les FADH (Forces Armées d’Haïti), il ne fait aucune mention de la BSAP (Brigade de Sécurité des Aires Protégées), une institution pourtant active ces dernières années. Cette omission soulève des interrogations sur l’avenir de cette structure paramilitaire créée sous l’autorité du Ministère de l’Environnement.

Malgré son caractère solennel, la remise de ce document ne constitue pas une fin en soi, ont insisté les autorités. Au contraire, elle marque le début d’un vaste débat citoyen. Le gouvernement appelle chaque citoyen, chaque institution, chaque organisation à analyser l’avant-projet avec rigueur et à participer à l’enrichissement du texte, dans le respect des différences et de l’intérêt général.

« Nous sommes sur la bonne voie », a déclaré le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé. Mais la route est encore longue. Et c’est à travers le dialogue, la concertation, et la participation active du peuple haïtien que ce texte pourra porter les germes d’une Constitution durable, adaptée aux défis contemporains, et capable de refonder une nation en quête de stabilité.

Steeve Luc PIERRE

GPL Media Libre

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