Madame la Ministre, où les jeunes célèbrent-ils le drapeau avec fierté ?
En lisant la note du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique, on croirait presque que tout va pour le mieux dans le pays. On parle de fierté, d’unité, de mobilisation de la jeunesse autour du bicolore, de danses traditionnelles et d’hommages culturels. Mais derrière les couleurs, les fanfares et les discours bien rédigés, une question essentielle demeure, brûlante, légitime : où les jeunes célèbrent-ils vraiment le drapeau avec fierté ?
Madame la Ministre, pendant que vous applaudissez une parade encadrée, sous haute surveillance étatique, l’Université d’État d’Haïti – le cœur battant de la jeunesse intellectuelle – traverse une crise profonde. Bâtiments délabrés, grèves à répétition, insécurité chronique, étudiants en détresse… Voilà la vraie scène de célébration du drapeau aujourd’hui : une jeunesse marginalisée, sacrifiée, oubliée.
Quel sens peut avoir le bleu et le rouge pour un étudiant qui n’a pas accès à un campus sécurisé ? Pour un jeune diplômé contraint de fuir ou de vendre des recharges téléphoniques faute de débouchés ? Pour un adolescent qui n’a connu que le chaos, la faim et la peur ?
« Yon sèl drapo, yon sèl pèp, yon sèl nasyon » dites-vous. Mais combien de peuples vivent aujourd’hui sous ce même drapeau ? Combien de nations cohabitent entre les lignes d’un État en ruines ?
Célébrer le drapeau, ce n’est pas parader. C’est lui donner chair à travers des politiques publiques courageuses, à travers l’accès à l’éducation, à la culture, à l’emploi. C’est garantir aux jeunes haïtiens la possibilité de rêver, de créer, de bâtir chez eux.
Alors non, Madame la Ministre, les jeunes ne célèbrent pas tous le drapeau avec fierté. Certains, nombreux, baissent les yeux de honte, de rage ou de résignation. Le drapeau ne se mérite pas par des slogans, mais par des actes.
Il est temps d’écouter la jeunesse, de la servir vraiment, de lui rendre sa voix. Sinon, ce drapeau que vous brandissez avec tant de ferveur risque de devenir, aux yeux de la majorité, un simple morceau de tissu.
Jean Daniel PIERRE
