PNH : impuissante et vulnérable face aux gangs, brutale face à la population
Alors que les gangs armés poursuivent leur offensive meurtrière, la Police Nationale d’Haïti (PNH) semble avoir trouvé un adversaire plus accessible : la population. Le 19 mars, puis encore le 2 avril, les forces de l’ordre ont violemment réprimé des manifestations pacifiques réclamant la sécurité. Pourtant, face aux véritables ennemis, elles se montrent désorganisées, incapables de défendre le territoire. Cette situation paradoxale pose une question essentielle : à qui sert réellement la police haïtienne ?
La situation sécuritaire du pays ne cesse de se détériorer. Le lundi 31 mars, Mirebalais est devenu le théâtre d’une nouvelle démonstration de force des gangs armés. Après avoir attaqué la prison civile et libéré 532 détenus, ils ont ouvert le feu sur un bus de transport public reliant Jean-Rabel à Port-au-Prince, faisant sept morts.
Deux religieuses de la communauté Sainte-Thérèse, ainsi que plusieurs de leurs accompagnateurs, ont été froidement exécutés. Un agent de sécurité de l’Hôpital Universitaire de Mirebalais a lui aussi été tué. Des véhicules incendiés, des corps abandonnés dans les rues, une population terrorisée : voilà le bilan de cette attaque qui a exposé, une fois de plus, l’incapacité des forces de l’ordre à réagir efficacement.
Pourtant, les policiers ne cessent de réclamer de meilleures conditions de travail. Ils dénoncent le manque d’équipements adaptés, l’insuffisance des ressources et l’absence d’une stratégie claire pour lutter contre les gangs. Lors de l’opération menée à Mirebalais, un hélicoptère gouvernemental transportant des policiers a été pris pour cible par les criminels. L’appareil a essuyé des tirs nourris, blessant un agent des forces de l’ordre. Un affrontement qui illustre à quel point ces groupes armés sont prêts à défier l’État en plein jour, sans crainte de représailles.
Mais si les policiers se disent sous-équipés et livrés à eux-mêmes face aux gangs, pourquoi déploient-ils tant de zèle contre la population ? Le 19 mars, puis ce 2 avril 2025, la PNH n’a pas hésité à disperser violemment des manifestants qui réclamaient simplement le droit de vivre en sécurité. Gaz lacrymogènes, tirs à balles réelles, passages à tabac : aucun moyen n’a été épargné pour réprimer ces citoyens en détresse.
Ce contraste est troublant. Quand il s’agit d’affronter des criminels lourdement armés, la PNH se dit impuissante, mal équipée et désorganisée. Mais lorsqu’il s’agit de mater une foule sans défense qui réclame sécurité, elle se montre redoutablement efficace. Un comportement qui rappelle tristement que, dans l’histoire récente d’Haïti, la police a souvent été plus une force de répression qu’un rempart contre l’insécurité.
Critiquer la PNH devient un devoir face à tant d’incohérence. Comme le dit si bien le proverbe haïtien : « Dan pouri gen fòs sou bannann mi ». Ceux qui fuient devant les gangs n’hésitent pas à se montrer impitoyables avec la population. Si cette force, cette brutalité et cette détermination étaient dirigées contre les véritables ennemis du pays, la situation ne serait peut-être pas aussi chaotique.
Mais en attendant, les citoyens continuent de subir, écrasés entre la violence des gangs et celle d’une police qui semble avoir perdu sa mission première.
Steeve Luc PIERRE
Crédit photo : Le Nouvelliste
