1 000 USD pour une pièce sans eau ni électricité : le logement, un luxe à Port-au-Prince

1 000 USD pour une pièce sans eau ni électricité : le logement, un luxe à Port-au-Prince

L’insécurité grandissante en Haïti a engendré une crise du logement sans précédent. Chassés de chez eux par les gangs, les habitants cherchent désespérément une zone plus ou moins sécurisée. Cette quête a fait grimper les prix des logements à des niveaux inimaginables.

À Pétion-Ville et dans les hauteurs de Delmas, louer une simple pièce, sans eau ni électricité, coûte désormais jusqu’à 1000 dollars américains. Ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir ce luxe se réfugient dans des lieux inadaptés : écoles publiques, bureaux d’État, cimetières… Pendant ce temps, les autorités restent silencieuses et les gangs continuent leur avancée.

Autrefois accessibles, les quartiers jugés « plus sûrs » sont devenus hors de portée pour la majorité de la population. Des milliers de familles, ayant fui les zones sous contrôle des gangs, tentent de se reloger à Pétion-Ville, Delmas, Laboule ou Thomassin.

Mais dans ces quartiers, une simple chambre de quelques mètres carrés se loue désormais à un prix exorbitant. Sans eau courante, sans électricité, souvent sans sanitaires, ces logements précaires sont pourtant convoités, car ils offrent un semblant de sécurité face aux exactions des gangs.

Face à cette flambée des prix, une partie de la population n’a d’autre choix que de s’installer dans des bâtiments publics abandonnés ou occupés de force. Le ministère de la Communication, par exemple, est devenu un refuge pour des déplacés internes. D’autres trouvent refuge dans des écoles publiques, comme le lycée Marie-Jeanne, ou encore dans des cimetières, notamment celui de Port-au-Prince.

Les dernières données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) révèlent une réalité alarmante : en janvier 2025, plus de 1 041 000 personnes ont été déplacées en Haïti, dont beaucoup ont déjà été forcées de fuir plusieurs fois. En un an, le nombre de déplacés a triplé, passant de 315 000 en décembre 2023 à plus d’un million aujourd’hui.

Dans la seule capitale, Port-au-Prince, la situation est encore plus critique. Les déplacements y ont presque doublé, enregistrant une hausse de 87 %. Chaque jour, de nouvelles familles fuient les affrontements entre gangs, laissant derrière elles leurs maisons, leurs biens et souvent, leurs espoirs d’un avenir meilleur.

Ceux qui vivent dans ces refuges de fortune sont exposés à tous les dangers. Les écoles et les bâtiments publics ne sont pas faits pour accueillir des familles entières. Dans les cimetières, la situation est encore plus alarmante. Avant que les autorités ne démolissent les clôtures du cimetière de Port-au-Prince, les gangs utilisaient ce lieu comme cachette et base d’attaque contre la police. Aujourd’hui, les déplacés qui s’y réfugient survivent dans des conditions effroyables.

Dans ces conditions d’extrême précarité, les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables. Certains habitants évoquent même la crainte des pratiques occultes. Selon la croyance haïtienne, les loups-garous se nourriraient des nouveau-nés. Que l’on y croie ou non, l’angoisse est bien réelle pour ces familles déjà meurtries.

Pendant que des milliers de personnes dorment dans des bureaux administratifs, des salles de classe ou sur des tombes, les membres du gouvernement vivent dans un luxe indécent. Villas protégées par des hommes armés, voyages à l’étranger, réunions interminables sur la « sortie de crise »… Mais sur le terrain, rien ne change.

Les gangs, eux, ne cessent de gagner du terrain. L’État ne contrôle plus rien, laissant les populations à la merci des criminels. Promesses après promesses, les autorités restent spectatrices du chaos, pendant que la seule chose qui progresse dans le pays, c’est la puissance des gangs.

L’Haïti d’aujourd’hui est un pays où le droit à un toit est devenu un luxe, où les déplacés vivent dans des conditions inhumaines, et où l’État semble avoir totalement abandonné son peuple. Jusqu’où faudra-t-il aller pour que les choses changent ?

Steeve Luc PIERRE

GPL Media Libre

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