Jephte Estiverne, Prix Amaranthe 2024 : un poète forgé entre lumière et ténèbres de Carrefour-Feuilles

Jephte Estiverne, Prix Amaranthe 2024 : un poète forgé entre lumière et ténèbres de Carrefour-Feuilles

Le résultat du Prix Amaranthe 2024 a été rendu public le 9 mai 2025 et la cérémonie de remise s’est tenue le 19 août 2025. À cette occasion, le poète Jephte Estiverne a été couronné dans la catégorie poésie pour son recueil « Qu’importe si nos rêves peinent à fleurir ». Mais au-delà de la distinction, c’est son discours, relayé par HPost5, qui a marqué les esprits : un témoignage lucide, bouleversant, et profondément ancré dans la réalité d’Haïti et de son quartier natal, Carrefour-Feuilles.

Dès les premières phrases, Estiverne a surpris son auditoire en rejetant l’idée de fierté pour lui préférer celle de courage. « Fierté n’est pas le mot le plus approprié à la circonstance. Courage l’est. Amplement », a-t-il affirmé. Le poète a confié avoir écrit son recueil dans un contexte de grande précarité, marqué par plusieurs mois de salaire impayé et des privations qui mettaient son corps à rude épreuve. « À bout de souffle, j’ai rampé jusqu’à ma part de lumière », a-t-il dit, soulignant combien l’acte d’écrire relevait parfois de la survie.

Originaire de Carrefour-Feuilles, un quartier aujourd’hui ravagé par les violences et les déplacements forcés, Estiverne a tenu à élargir son propos à la souffrance collective. Dans une envolée poignante, il a dédié son prix aux familles « pillées, tuées, dépouillées de leurs biens dans un Carrefour-Feuilles à feu et à sang ». Pour lui, la poésie ne se réduit pas à un exercice esthétique, mais se fait voix pour les oubliés et mémoire des douleurs partagées. Ainsi, sa trajectoire personnelle devient indissociable de celle de son quartier, terre de blessures mais aussi de résilience, où son imaginaire s’est forgé et où, selon ses propres mots, « une pierre au soleil ose tout ».

HPost5 rapporte également que le poète a multiplié les remerciements, dressant une véritable cartographie affective et littéraire : ses parents éloignés, ses frères et sa sœur « jamais à court d’énergie », sa « fleur » muse et compagne de courage , son équipe d’amis fidèles, mais aussi ses collaborateurs, ses lecteurs, les ateliers littéraires Tambours du Soleil et Jeudi Soir, ainsi que le mouvement Renouveau. Il a salué la maison C3 Éditions et son directeur Fred Brutus pour leur confiance, ainsi que les parrains du Prix Amaranthe, Dangélo Néard, Marie Antoinette Nader et Patrice Guillaume – dont le soutien contribue à faire fleurir « beaucoup de rêves », même au milieu de l’adversité.

En écoutant Estiverne, on comprend que sa poésie n’est pas seulement l’expression d’un talent individuel, mais le fruit d’une lutte contre l’effacement. Elle se nourrit des ombres de Carrefour-Feuilles, de larmes invisibles et de privations quotidiennes, mais elle s’ouvre aussi à la lumière, aux rencontres et à la solidarité. « Une torche ne s’éteint pas quand elle nourrit une autre », a-t-il lancé, comme pour rappeler la responsabilité partagée de bâtir un avenir plus juste.

En conclusion de son discours, Estiverne a élevé sa voix au-delà des honneurs littéraires pour en faire un plaidoyer citoyen. « Justice, justice, justice ! », a-t-il clamé en pensant à son quartier meurtri. Une sortie qui, selon HPost5, démontre que ce prix littéraire dépasse la simple célébration d’un recueil de poèmes : il s’impose comme un cri pour la dignité, la survie et la justice sociale.

Le grand rendez-vous autour du lauréat et de son œuvre est déjà fixé : le 30 août 2025 au Centre Culturel Anne Marie Morisset, Faustin 1er, Delmas 41. Le recueil « Qu’importe si nos rêves peinent à fleurir » y sera disponible au prix de 1000 gourdes.

Jean Daniel PIERRE

GPL Media Libre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *