L’hôpital La Paix dépense 600 000 gourdes tous les trois jours à cause du black-out
Depuis huit jours, Port-au-Prince est plongée dans un black-out total, conséquence directe de la fermeture de la centrale hydroélectrique de Péligre par des habitants de Mirebalais. Une décision radicale prise pour forcer l’État à agir face à la montée fulgurante de l’insécurité dans le département du Centre. Pourtant, ce n’est pas la première fois que la population passe à l’action. Retour sur une série d’événements où la lumière ne reviendra qu’avec la sécurité.
Le mardi 13 mai 2025, la centrale hydroélectrique de Péligre, principale source d’électricité du pays, a été fermée pour la première fois. À l’origine de cette action : une opération de blocage orchestrée par plusieurs organisations de la société civile de Mirebalais et Saut d’Eau, deux villes du département du Centre confrontées à une montée spectaculaire de la violence armée.
Les protestataires réclamaient des garanties de sécurité. Leur message était sans équivoque : « pas de sécurité, pas d’électricité. » Face à la pression, le responsable de la centrale a présenté sa démission, plongeant la situation dans l’incertitude.
Après quelques jours de blocage, le gouvernement a entamé des négociations avec les représentants des deux villes. Ces échanges ont permis une reprise partielle des activités à la centrale. Mais ce retour à la normale n’a été que de courte durée.
En réalité, la situation sécuritaire dans le département du Centre n’a cessé de se détériorer. Malgré la réouverture de Péligre, les groupes armés ont continué de s’étendre, semant la terreur à Mirebalais. La semaine dernière, ils ont franchi un nouveau cap en incendiant un engin lourd de la PNH, un acte de défi ouvert aux institutions de l’État.
Cet incident a ravivé la colère de la population locale, qui a repris le chemin de la contestation. Pour la deuxième fois en un mois, la centrale de Péligre a été sabotée et mise à l’arrêt. Le message est resté le même : sans sécurité, pas d’électricité.
Cette fois, les conséquences sont visibles à l’échelle nationale. Huit jours après la fermeture, Port-au-Prince est plongée dans un black-out total. La capitale, déjà en proie à l’insécurité et à l’instabilité politique, voit s’ajouter une crise énergétique majeure, aggravée par le silence complet du gouvernement intérimaire, plus préoccupé par ses querelles internes que par le sort de la population.
La coupure d’électricité a des répercussions graves sur les services de base. À Delmas 33, l’hôpital La Paix, l’un des derniers encore opérationnels dans la zone métropolitaine, lutte pour maintenir ses activités. Faute de courant, l’administration a dû recourir aux génératrices, ce qui engendre des dépenses de plus de 600 000 gourdes tous les trois jours en carburant. Dans un contexte de rareté et d’inflation, cette situation menace la survie même de l’établissement.
Les universités, contraintes de fonctionner en ligne à cause de l’insécurité, peinent elles aussi à maintenir le lien pédagogique. Étudiants et enseignants se retrouvent démunis, dans l’incapacité de recharger leurs appareils électroniques.
Les petits commerçants, particulièrement ceux qui dépendent de la chaîne du froid comme les vendeurs de boissons fraîches et de glaçons, voient leur marchandise se perdre. Le manque d’électricité les empêche de profiter des fortes chaleurs de juin, habituellement propices à leur activité.
Alors que la population de Mirebalais attend toujours des garanties concrètes de sécurité pour permettre la réouverture de la centrale, les autorités font preuve d’un mutisme troublant. Aucun plan d’action n’a été annoncé, aucune mesure de sécurité n’a été prise, laissant tout un pays livré à l’obscurité et à la peur.
Steeve Luc PIERRE
