Solino : le retour de l’État dans un quartier vidé par Viv Ansanm
À Solino, quartier populaire de la capitale haïtienne, le calme apparent contraste douloureusement avec les violences récentes. Des gangs armés, regroupés sous la bannière de Viv Ansanm, y ont imposé leur loi, multipliant pillages, exactions et massacres avant de se retirer, laissant une population traumatisée, déplacée et démunie. C’est dans ce décor de désolation que les plus hautes autorités de l’État ont choisi d’effectuer une visite officielle.
Ce samedi 20 décembre, les conseillers-présidents Leslie Voltaire et Edgar Leblanc Fils, accompagnés du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, se sont rendus à Solino dans le cadre du programme « Retour au quartier ». Présentée par le gouvernement comme un acte politique fort marquant le retour de l’État dans un territoire éprouvé, cette initiative devait symboliser l’autorité retrouvée et la proximité avec les citoyens.
Pourtant, cette démonstration de présence de l’État haïtien soulève de sérieuses interrogations. D’autant plus que certains responsables sont accusés de connivence avec les gangs armés, ce qui rend cette visite d’autant plus troublante. Les autorités se sont rendues dans un quartier vidé de ses habitants, dans une atmosphère dépourvue de toute quiétude, renforçant le sentiment d’un pouvoir qui agit sur un terrain déjà neutralisé plutôt que confronté à l’insécurité réelle.
Sur le terrain, de nombreux riverains déplacés peinent à comprendre le sens de cette visite tardive. Pour eux, l’État est apparu après coup, lorsque les groupes armés avaient déjà décidé du sort du quartier. Cette présence officielle est ainsi perçue moins comme une reprise de contrôle que comme une mise en scène politique.
Depuis des mois, Solino, à l’image de plusieurs quartiers de Port-au-Prince, vit sous la menace permanente des gangs, dans une quasi-absence des forces régaliennes. Cette réalité met en lumière les limites d’une gouvernance sécuritaire essentiellement réactive, incapable d’anticiper ou de prévenir les violences avant qu’elles ne chassent les populations de leurs foyers.
Le discours officiel évoque la restauration de l’ordre, de la dignité et de l’espoir. Mais pour les victimes, ces promesses restent fragiles tant qu’elles ne s’accompagnent pas d’actions concrètes : sécurisation durable du quartier, retour encadré des déplacés, justice pour les crimes commis et rupture claire avec toute forme de complaisance envers les gangs.
À Solino, le véritable retour de l’État ne se mesurera pas à une visite protocolaire, mais à sa capacité à protéger les citoyens avant que la violence ne s’installe. En attendant, le fossé entre la communication officielle et la réalité vécue par la population demeure profond.
