EDE et Pitit Desalin : les visages de l’échec qui veulent diriger la relance
Alors que le pays s’enlise dans l’échec du Conseil présidentiel de transition, certaines formations politiques semblent décidées à reproduire les mêmes recettes qui ont conduit à l’impasse. C’est le cas des partis Les Engagés pour le Développement (EDE) et Pitit Desalin, tous deux signataires du nouveau « Consensus politique pour le redressement national et la réorientation de la transition », paraphé le mercredi 12 novembre 2025 à Port au Prince.
Présenté comme un nouveau départ pour Haïti, ce document prévoit une transition d’un an dirigée par un exécutif bicéphale, un Président et un Premier ministre, chargés de conduire le pays vers des élections générales d’ici février 2027. L’accord, soutenu par plusieurs partis politiques, regroupements et organisations de la société civile, ambitionne de « corriger les erreurs du passé » et d’instaurer une gouvernance plus inclusive. Pourtant, la présence d’EDE et de Pitit Desalin parmi les signataires suscite de vives interrogations sur la crédibilité réelle de cette initiative.
Ces deux formations avaient déjà leurs représentants au sein du Conseil présidentiel de transition, une structure aujourd’hui discréditée, voire totalement échouée dans sa mission de stabilisation du pays. Plus grave encore, leurs représentants respectifs, Smith Augustin pour EDE et Emmanuel Vertilaire pour Pitit Desalin, ont été inculpés dans le dossier de la Banque Nationale de Crédit (BNC), un scandale de corruption qui ternit davantage l’image d’un système politique déjà fragilisé. Malgré ces poursuites judiciaires, leurs partis entendent participer activement à la mise en œuvre du nouveau consensus, sans la moindre remise en question publique.
Selon les dispositions de l’accord, une Commission nationale de désignation composée de sept membres sera chargée de proposer les noms du futur Président et du Premier ministre de la transition. Mais la composition annoncée, dominée par des figures issues de la même classe politique, laisse planer un doute profond sur la sincérité du processus. Comme souvent, les négociations s’opèrent entre les mêmes visages qui se partagent le pouvoir depuis des décennies, sous couvert de nouveaux accords censés incarner le changement.
Le leader d’EDE, Claude Joseph, dont le nom a déjà été cité dans des scandales de corruption au niveau de la diplomatie haïtienne affirme que les discussions pour former les structures de gouvernance ont déjà débuté et devraient aboutir avant le 7 février 2026. Mais pour de nombreux observateurs, il ne s’agit que d’une recomposition du même paysage politique, où les acteurs changent de discours sans jamais modifier leurs pratiques. Les belles promesses de transparence et de lutte contre la corruption, mises en avant dans le document, contrastent fortement avec le passé controversé de plusieurs signataires.
Moïse et Claude : deux visages de la débâcle, encore au rendez-vous
Moïse Jean-Charles, tout le monde le connaît. Il se présente comme le véritable « Pitit Dessalin », pourtant , il est loin de défendre les valeurs dessaliniennes qu’il revendique. Vieux routier de la politique haïtienne, il sait très bien quand il doit se taire et quand il doit parler pour amadouer la population.
Toujours à l’affût du pouvoir, il ne veut jamais en être absent. L’ancien sénateur du Nord a su tirer profit des rouages du pouvoir en place grâce à son représentant Emmanuel Vertilaire, impliqué dans le scandale de la Banque Nationale de Crédit (BNC). Son influence reste manifeste : il contrôle également le ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural.
Quant à Claude Joseph, il est loin d’incarner le profil d’un leader crédible. Inutile de remonter à son passé trouble, notamment aux mouvements de 2004, où son nom a circulé dans des affaires de vente de passeports. Celui qui se présente aujourd’hui comme un modèle d’intégrité est le parfait exemple de l’intellectuel chercheur de pain.
On se le rappelle, il exprimait des critiques acerbes contre Jovenel Moïse. Auteur de textes virulents comme « Le PHTK veut le beurre et l’argent du beurre », il s’est rapidement rallié à ce même régime pour en devenir ministre des Affaires étrangères, puis Premier ministre.
Il a ensuite contribué à la mise en place du Conseil présidentiel de transition (CPT) avec Smith Augustin, avant que les deux hommes ne se séparent momentanément. Aujourd’hui, ils semblent réconciliés : au Fonds national de l’éducation (FNE), contrôlé par Smith Augustin, les membres d’EDE sont nombreux.
Voilà donc deux figures, qui ont largement contribué à la naissance du CPT et qui, aujourd’hui encore, veulent jouer les premiers rôles dans la création d’une nouvelle transition.
Dans un contexte où la justice demeure impuissante et où la population se montre de plus en plus méfiante à l’égard des institutions, le retour en force de ces structures politiques soulève une question de fond : comment prétendre redresser la nation avec ceux-là mêmes qui l’ont enfoncée dans la crise actuelle ?
Cette initiative, présentée comme un pas vers la stabilité, risque bien de n’être qu’un nouvel épisode de la même comédie politique, où les ambitions personnelles continuent d’éclipser l’intérêt national.
Image d’illustration : EDE
