Les banques haïtiennes résistent dans la tempête économique

Les banques haïtiennes résistent dans la tempête économique

Le secteur bancaire haïtien affiche une résilience remarquable au troisième trimestre de l’exercice fiscal 2024-2025. Malgré la crise sécuritaire qui paralyse l’économie, les banques maintiennent leur rentabilité et renforcent même leurs performances. Cette résistance, documentée par la Banque de la République d’Haïti (BRH) dans sa dernière note de politique monétaire, révèle comment le système financier peut prospérer même quand tout s’effondre autour.

D’abord, les revenus bancaires donnent des signaux mitigés qui reflètent la complexité du contexte. Le produit net bancaire s’établit à 9 059,19 millions de gourdes, accusant un léger recul de 1% après une progression de 2,7% au trimestre précédent. Cette baisse s’explique par la chute des revenus sur les bons BRH (-3,24%), des gains de change (-16,91%) et d’autres revenus (-19,23%).

Pourtant, cette baisse des revenus n’empêche pas les banques de dégager des bénéfices substantiels. Grâce à une réduction drastique des dépenses d’exploitation (-6,4%), le secteur génère un bénéfice net de 2 213,15 millions de gourdes, soit une hausse impressionnante de 12,3% en un trimestre. Cette performance montre l’habileté des banques à optimiser leurs coûts en période difficile.

En conséquence directe, la rentabilité bancaire s’améliore sensiblement au cours de cette période. Le rendement de l’actif (ROA) grimpe à 1,29% au 30 juin, contre 1,17% à la fin du trimestre passé. Simultanément, le rendement de l’avoir des actionnaires (ROE) bondit à 15,23% après avoir affiché 13,65% au trimestre précédent.

Parallèlement, la taille du secteur bancaire continue de progresser malgré l’environnement hostile. L’actif total croît de 2,12% pour atteindre 692 516 ,04 millions de gourdes. Cette expansion s’appuie principalement sur l’augmentation des placements en bons BRH (+19,9%), des autres liquidités (+18,9%) et des avoirs dans les banques locales (+8%).

Néanmoins, cette croissance s’accompagne d’une prudence accrue dans l’intermédiation bancaire. Le ratio prêts bruts sur dépôts totaux chute à 21,6% contre 22,5% au trimestre précédent, traduisant la réticence des banques à prêter dans un climat d’incertitude généralisée. Cette baisse révèle comment la crise pousse les institutions vers des placements plus sûrs.

De surcroît, les dépôts bancaires progressent modestement de 1,7% pour totaliser 564 242,05 millions de gourdes. Cette hausse provient essentiellement des dépôts d’épargne (+3,6%) et des dépôts à vue (+0,9%), tandis que les dépôts à terme stagnent autour de 98 milliards de gourdes.

Cependant, la qualité du portefeuille de crédit se détériore légèrement sous la pression des événements. Le ratio prêtsimproductifs bruts en pourcentage des prêts bruts augmente à 14,17% contre 13,68% au trimestre précédent. Cette progression, bien que modérée, reflète les difficultés croissantes des emprunteurs dans ce contexte économique dégradé.

Heureusement, les banques renforcent leur couverture face à ces risques de défaillance. Le coefficient provisions pour créances douteuses en pourcentage des prêts bruts grimpe à 66,04% contre 65,16% trois mois plus tôt, montrant la prudence des institutions face aux incertitudes. Cette amélioration réduit l’exposition des fonds propres à 10,06%, soit une baisse de 20 points de base.

Par ailleurs, le ralentissement économique influence les comportements de change des épargnants. Le taux de dollarisation des dépôts recule légèrement à 65,58% contre 66,22% au trimestre antérieur. Cette baisse suggère une demande moins pressante pour le dollar américain dans un contexte de stabilité relative du taux de change.

En outre, les taux d’intérêt évoluent différemment selon les monnaies. En gourdes, les taux sur les dépôts à terme chutent à 2,67% contre 3,67% au trimestre précédent, tandis que ceux sur les prêts augmentent légèrement à 14,50%. Cette situation élargit le spread bancaire à 11,83 points de pourcentage.

En revanche, les opérations en dollars montrent des tendances opposées. Les taux sur les dépôts à terme s’effondrent à 0,50% (-2,37 points de pourcentage), tandis que ceux sur les prêts baissent à 10,50%. Le spread en devises grimpe ainsi à 10 points de pourcentage contre 7,84 points au trimestre précédent.

En définitive, cette analyse révèle la capacité d’adaptation remarquable du système bancaire haïtien face à l’adversité. Malgré un environnement économique délétère, les banques maintiennent leur rentabilité grâce à une gestion rigoureuse des coûts et une politique prudentielle renforcée.

Jonathan Gédéon

GPL Media Libre

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