Un éclairage économique essentiel sur les ressorts de la consommation finale des ménages haïtiens

Un éclairage économique essentiel sur les ressorts de la consommation finale des ménages haïtiens

Dans un environnement économique et social particulièrement volatile, la compréhension des déterminants de la consommation finale des ménages s’impose comme un enjeu crucial pour Haïti. Le mémoire de sortie en vue de l’obtention du grade de Licencié en Sciences Économiques à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques (FDSE), rédigé par l’étudiant Isaac Séraphin en juillet 2023 sous la direction du Professeur Thébeau Michel, apporte un éclairage décisif sur cette question complexe.

À travers une analyse économétrique rigoureuse, l’auteur met en lumière les principaux moteurs de la consommation finale des ménages haïtiens sur la période 1988-2020, ouvrant ainsi la voie à une réflexion approfondie sur les politiques économiques les plus aptes de stimuler une croissance inclusive et durable. L’approche théorique adoptée par M Séraphin s’appuie grandement sur le modèle de référence proposée par l’économiste américain James Duesenberry, qui place la consommation des ménages au cœur d’une dynamique à la fois individuelle et collective.

Selon cette perspective, les choix de consommation dépendent non seulement du revenu courant, mais également des références sociales et du niveau de revenu passé. Ce cadre d’analyse se révèle particulièrement pertinent dans le contexte haïtien, marqué par des contraintes budgétaires fortes, une informalité élevée du marché du travail et une vulnérabilité chronique aux chocs exogènes.

Afin d’étudier les interdépendances entre la consommation des ménages et les principaux agrégats macroéconomiques, le Licencié en Économie mobilise une modélisation VAR (Vector Autoregression). Cette approche permet d’évaluer la dynamique des interactions entre la consommation finale, leProduit Intérieur Brut (PIB), les exportations, les importations et les dépenses publiques, ouvrant ainsi la voie à une compréhension fine des mécanismes de transmission des chocs économiques.

L’analyse économétrique met en évidence trois principaux déterminants de la consommation finale des ménages haïtiens. Tout d’abord, les importations apparaissent comme le facteur explicatif le plus déterminant, avec une élasticité estimée à 0,41. Ce résultat traduit la dépendance structurelle de l’économie haïtienne aux produits importés, conséquence d’une production locale insuffisante. Ensuite, le PIB exerce également une influence positive significative, avec une élasticité de 0,46. Bien que le secteur informel demeure prédominant, la croissance économique reste donc un moteur essentiel du pouvoir d’achat des ménages.

Enfin, de manière paradoxale, les exportations ont un impact négatif sur la consommation, avec une élasticité de -0,224. Ce résultat peut s’interpréter comme une conséquence de la structure productive haïtienne, où l’augmentation des exportations ne se traduit pas nécessairement par une hausse des revenus internes ni par une redistribution favorable aux ménages. Tout comme, les dépenses publiques ne semblent pas jouer un rôle significatif dans l’évolution de la consommation finale, suggérant une faible efficacité des politiques budgétaires pour stimuler la demande intérieure.

Les conclusions de cette étude soulèvent des questions fondamentales pour la politique économique haïtienne. La prédominance des importations dans la dynamique de consommation révèle une fragilité structurelle de l’économie : toute perturbation du commerce extérieur risque d’entraîner une contraction brutale de la consommation finale et, par extension, de l’activité économique.

Face à ce constat, l’auteur du mémoire propose plusieurs pistes d’action pertinentes. Il s’agit, en premier lieu, de renforcer la production nationale en encourageant le développement de filières locales compétitives, afin de réduire la dépendance aux importations. Il convient également de stimuler la croissance du PIB, notamment par l’investissement dans des infrastructures économiques et sociales capables de dynamiser la productivité et l’emploi.

Parallèlement, la politique d’exportation doit être repensée, de manière à ce que l’essor des exportations bénéficie davantage à l’économie domestique et soutienne la consommation intérieure. Pour en finir, l’amélioration de l’efficacité des politiques publiques, à travers des dépenses sociales et des transferts budgétaires mieux ciblés, pourrait contribuer à soutenir directement la demande des ménages.

Ce mémoire se distingue par la rigueur de son analyse et la pertinence de ses conclusions. En fournissant une modélisation économétrique robuste et une interprétation nuancée des dynamiques de consommation finale des ménages haïtiens, il constitue une contribution précieuse aux débats économiques nationaux. Son apport dépasse largement le cadre académique, offrant des pistes de réflexion essentielles pour orienter les choix économiques et sociaux des années à venir.

Dans un contexte où la consommation finale des ménages représente un moteur essentiel de la croissance, la nécessité d’une politique économique proactive et structurée se fait plus pressante que jamais. Ce mémoire s’impose donc comme une lecture incontournable pour quiconque s’intéresse à l’avenir économique d’Haïti. À l’heure où le pays cherche des solutions durables à ses défis structurels, il ouvre la voie à des réflexions décisives pour assurer une croissance inclusive et pérenne.

Jonathan Gédéon

GPL Media Libre

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