Nouveau décret : quand le CPT verrouille la justice avant la fin de son mandat

Nouveau décret : quand le CPT verrouille la justice avant la fin de son mandat

À quelques semaines de la fin de leur mandat, les membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) ont adopté un décret controversé sur la Haute Cour de Justice, publié hier, 23 décembre 2025. Selon les observateurs, ce texte pourrait neutraliser les tribunaux ordinaires et offrir une immunité de fait aux membres du CPT. Leur échec dans l’organisation des élections, dont le premier tour ne se tiendra que six mois après la fin de leur mandat, et la persistance de l’insécurité renforcent le sentiment que ce décret sert avant tout à protéger leurs intérêts personnels.

En effet, la Constitution de 1987 limite la compétence de la Haute Cour de Justice aux crimes et délits commis « dans l’exercice de leurs fonctions » (article 186). Or, le décret publié hier par le CPT étend cette compétence aux actes commis « pendant qu’ils étaient en fonction ». Cette modification, apparemment subtile, permet en réalité d’inclure des infractions personnelles, telles que des faits de corruption ou de détournement de fonds, qui ne relèvent pas des prérogatives officielles de l’État.

De surcroît, le CPT ignore la loi du 27 juin 1904, qui prévoit que les hauts fonctionnaires deviennent justiciables des tribunaux ordinaires pour les crimes commis pendant leur mandat. L’article 2 de cette loi souligne que la compétence du juge d’instruction n’est subordonnée à aucune autorisation parlementaire. En confiant leur sort à une Haute Cour qui ne peut pas siéger, le CPT neutralise de facto les tribunaux ordinaires, qui auraient pu ouvrir des enquêtes dès février 2026.

Selon la Constitution, la Haute Cour doit être constituée par le Sénat après mise en accusation par la Chambre des Députés. Cependant, le Parlement est inexistant et les élections prévues seulement pour août 2026. Par conséquent, cette juridiction demeure une coquille vide, incapable de fonctionner. Ainsi, le CPT crée un verrou judiciaire, empêchant toute action des tribunaux ordinaires et se garantissant une impunité de fait.

L’Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïti (OCNH) dénonce ce décret comme une contradiction flagrante avec la Constitution et la Convention des Nations Unies contre la corruption. Sous couvert d’organiser la justice, le texte organise en réalité le temps et l’oubli, protégeant les membres du CPT des conséquences pénales de leurs actes.

Ainsi, alors que le peuple attendait un retour à l’ordre démocratique et une transition transparente, le décret du 23 décembre 2025 révèle la priorité du CPT : sécuriser son impunité avant même de quitter le pouvoir. Ce texte n’est pas un instrument de droit mais un acte politique de défiance envers la justice haïtienne, marquant la fin d’une transition controversée et posant une question cruciale : jusqu’où la haute juridiction peut-elle être instrumentalisée pour protéger les puissants ?

Steeve Luc PIERRE

GPL Media Libre

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