L’embargo sur les armes en Haïti : un argument qui perd de sa crédibilité
Les déclarations de l’ambassadeur de France en Haïti, Antoine Michon, recueillies le 15 décembre par le journal Le Nouvelliste, ainsi que l’intervention de l’économiste Etzer Émile le 17 décembre sur la plateforme Team Rudy Officiel, relancent le débat sur le soi-disant embargo américain. Selon ces déclarations, l’État haïtien dispose de marges de manœuvre pour s’approvisionner en armes et équipements auprès de partenaires internationaux, ce qui relativise la thèse d’un blocage total souvent avancée pour expliquer le sous-équipement de la Police nationale d’Haïti (PNH) et des Forces armées d’Haïti (FADH).
Le lundi 15 décembre 2025, l’ambassadeur de France en Haïti, M. Antoine Michon, s’est entretenu avec le journal Le Nouvelliste sur la situation sécuritaire et la coopération bilatérale. Celle-ci repose sur des formations spécialisées, un soutien technique et la fourniture de matériels aux forces publiques.
Selon le diplomate, 100 soldats des FADH ont été formés entre 2024 et 2025 en Martinique dans des stages adaptés aux conditions locales, incluant des techniques de combat urbain. Le programme devrait se poursuivre en 2026 avec un effectif similaire.
Pour la PNH, l’assistance concerne à la fois la police judiciaire et les unités spécialisées. Des experts français accompagnent la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) dans la lutte contre les crimes financiers et le trafic de drogue. Plus de 400 policiers issus d’unités telles que l’UTAG, le SWAT, la BRI et l’UDMO ont également bénéficié de formations dispensées par des spécialistes français.
L’ambassadeur a précisé que la PNH a reçu ces dernières années des drones d’observation, des blindés en 2024 et plusieurs tonnes de matériels destinés aux unités d’intervention en 2025, après des démarches officielles des autorités haïtiennes.
Il a ajouté que les forces publiques peuvent, en principe, s’approvisionner directement auprès de fabricants français. Une mission haïtienne est annoncée en France en janvier prochain pour rencontrer des responsables institutionnels et des industriels, y compris dans le domaine naval, afin d’explorer des solutions adaptées aux besoins de sécurité du pays.
Dans le discours public haïtien, le sous-équipement de la PNH et des FADH est souvent expliqué par l’existence d’un embargo américain. Ce récit s’est imposé comme une évidence dans l’opinion et est régulièrement relayé par les autorités et des leaders d’opinion. Selon cette perception, certaines acquisitions, notamment en matière de calibres ou de types d’armes, se heurteraient à des restrictions des États-Unis, tandis que les groupes armés continuent de se procurer des armes de gros calibre par des circuits illégaux.
Le 17 décembre 2025, l’économiste haïtien Etzer Émile est intervenu sur la plateforme Team Rudy Officiel, animée par le journaliste Sanon Thomas Rudy. Il a précisé : « J’ai des informations provenant d’une personne qui faisait partie du cabinet de Jovenel Moïse. Les Américains ne souhaitent pas que vous achetiez des armes auprès de pays qu’ils considèrent comme leurs ennemis… En revanche, ils sont favorables à une coopération militaire avec des pays alliés. »
Ces déclarations viennent nuancer la perception d’un refus généralisé et absolu attribué aux États-Unis et renforcent la perspective d’une marge de manœuvre pour Haïti, dans un cadre international encadré.
Les restrictions internationales visent surtout à empêcher que des armes ne profitent à des acteurs non étatiques. Elles imposent des procédures et des autorisations, sans constituer une interdiction générale pour les forces publiques légalement constituées.
Les propos de l’ambassadeur de France, combinés à ceux de l’économiste Émile, montrent que des possibilités d’acquisition existent, même si elles doivent respecter le cadre international.
Entre déclarations diplomatiques, interventions publiques et discours officiels, le débat sur l’embargo et l’équipement des forces haïtiennes demeure au centre de l’actualité sécuritaire. Les récents échanges, du 15 au 17 décembre, relativisent l’idée d’un blocage total et offrent de nouveaux éléments pour comprendre les marges de manœuvre possibles dans l’armement de la PNH et des FADH.
Steeve Luc PIERRE
