Zafèm : du triomphe musical au tumulte judiciaire, une affaire qui secoue la musique haïtienne

Zafèm : du triomphe musical au tumulte judiciaire, une affaire qui secoue la musique haïtienne

Un tribunal fédéral de New York, sous la présidence du juge Brian M. Cogan, a condamné le musicien haïtien Dener Ceïde, cofondateur du groupe Zafèm, à verser 1 million de dollars américains pour contrefaçon de marque délibérée. Cette décision fait suite à une bataille juridique engagée un an plus tôt par la société Zafem World Entertainment, propriété du couple Wiss Joseph et Marie Joseph, qui revendique la paternité légale du nom « Zafem » aux États-Unis.

L’affaire prend racine dans deux parcours parallèles. D’un côté, le couple Wiss et Marie Joseph fonde, en novembre 2015, la compagnie Zafem World Entertainment, spécialisée dans la production et la promotion musicale.
En 2021, la société dépose auprès de l’Office américain des brevets et des marques (USPTO) la marque ZAFEM™?, devenant ainsi son propriétaire légal sur le territoire américain.

De l’autre, le guitariste et compositeur Dener Ceïde crée officiellement, le 28 mars 2019, le groupe Zafèm avec le chanteur Réginald Cangé. Ensemble, ils développent un concept musical novateur qui aboutit à l’album Lalin ak Solèy (LAS), sorti en mai 2023, salué comme un chef-d’œuvre du konpa moderne.

Le 8 juillet 2023, le groupe donne sa première prestation publique au Melrose Ballroom, à New York, une soirée mémorable qui consacre le lancement officiel du projet, acclamé par des milliers de fans euphoriques.

Alors que le groupe connaît un succès fulgurant, Dener Ceïde tente en mai 2023 d’enregistrer à son tour la marque « Zafem » auprès de l’USPTO.
Mais la démarche échoue : le nom est déjà protégé par le couple Joseph.
Estimant que Ceïde utilise illégalement leur marque à des fins commerciales, notamment via le site zafemmusic.com, les Joseph lui adressent plusieurs mises en demeure, restées sans réponse.

Le 18 septembre 2024, Zafem World Entertainment dépose officiellement une plainte devant le tribunal fédéral du district Est de New York, sous le numéro 1:24-cv-06572. Trois chefs de demande sont formulés : contrefaçon et violation de marque, fausse désignation d’origine et concurrence déloyale de common law.

La décision rendue par le juge Cogan est sans équivoque. Le tribunal constate que les défendeurs n’ont pas répondu ni à la plainte, ni à la requête de jugement par défaut. Le magistrat estime que les plaignants ont apporté toutes les preuves exigées par la Lanham Act (sections 32 et 43a), démontrant une contrefaçon de marque délibérée.

« Les défendeurs ont tenté sans succès d’enregistrer la marque auprès de l’USPTO, ont ignoré les lettres de mise en demeure et ont continué d’utiliser le nom “Zafem” à des fins commerciales. Ces éléments constituent une preuve accablante d’une contrefaçon volontaire », peut-on lire dans l’ordonnance du juge Brian M. Cogan, datée du 17 septembre 2025.

La section 35 de la Lanham Act prévoit des dommages-intérêts allant jusqu’à 2 millions $US en cas de contrefaçon intentionnelle. Cependant, faute de données précises sur le préjudice, le juge Cogan fixe le montant final à 1 million $US.

Le verdict tombe : Dener Ceïde et Dener Ceïde Productions Inc. sont condamnés solidairement à payer 1 million $US, et une injonction permanente leur interdit désormais d’utiliser le nom Zafem ou tout terme susceptible de prêter à confusion.

Dans la foulée du verdict, une vague de rumeurs a envahi les réseaux sociaux.
Plusieurs internautes affirmaient que la chaîne YouTube officielle du groupe Zafèm avait été bannie ou supprimée par la plateforme.

Ces affirmations se sont révélées fausses. La chaîne reste bel et bien active et continue de diffuser les chansons et performances du groupe. En octobre 2025, elle compte plus de 283 000 abonnés et plusieurs millions de vues cumulées. Preuve que, malgré la tempête judiciaire, l’attachement du public demeure intact.

L’affaire Zafèm vs Zafem World Entertainment dépasse le simple cadre d’un conflit administratif : elle met en lumière les enjeux juridiques de la création artistique à l’ère numérique.

Si le verdict du juge Cogan met en difficulté Dener Ceïde quant à l’usage du nom Zafèm, il ne remet pas en cause la portée artistique et culturelle du projet. Pour de nombreux observateurs, cette situation est une leçon précieuse pour les artistes haïtiens et de la diaspora : la protection juridique d’un nom, d’un logo ou d’une œuvre est aussi essentielle que le talent lui-même.

Alors que Lalin ak Solèy continue de marquer les esprits, le nom Zafèm s’inscrit désormais à la fois dans l’histoire musicale et dans la jurisprudence américaine. Cette affaire rappelle qu’à l’ère du numérique, l’inspiration et la loi doivent avancer côte à côte, car dans la musique comme ailleurs, le talent ne suffit pas sans protection légale.

Steeve Luc PIERRE

GPL Media Libre

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