Haïti : deux visages d’une même nation, entre liberté et terreur

Haïti : deux visages d’une même nation, entre liberté et terreur

Alors qu’une partie de la population haïtienne continue sereinement ses activités quotidiennes dans des zones plus ou moins paisibles comme Pétion-Ville, Kenscoff ou le Haut-Delmas, un autre visage de la réalité haïtienne se dévoile à quelques kilomètres de là, plongé dans la violence et la terreur, sous le contrôle total des gangs armés. Ce contraste saisissant met en évidence l’incapacité d’un État défaillant à assurer la sécurité et la protection de tous ses citoyens.

Au nord de la capitale haïtienne, la vie semble suivre son cours. À Pétion-Ville, les rues fourmillent de vie : les marchés sont animés, les restaurants accueillent les clients, et les boutiques ouvrent leurs portes. À Kenscoff, la fraîcheur des montagnes offre une certaine tranquillité, permettant aux habitants de vaquer à leurs occupations sans crainte.

Même dans certaines parties du Haut-Delmas, l’activité commerciale reste relativement stable, et les églises ainsi que les discothèques continuent de fonctionner normalement. L’illusion d’une vie normale, loin des affres de la violence, prédomine dans ces quartiers où le quotidien semble plus ou moins épargné.

Cependant, à quelques kilomètres de ces zones privilégiées, une autre réalité se fait jour. Le Portail Léogâne, autrefois carrefour dynamique et point stratégique de la capitale, est désormais déserté. Les marchands ont fui, les stations de transport sont vides, et l’agitation du passé a fait place à un silence inquiétant. Le Stade Sylvio Cator, symbole du sport national, est désormais à l’abandon, une victime de l’insécurité omniprésente.

Le Champ de Mars, cœur historique de Port-au-Prince, est devenu un no man’s land, où les monuments nationaux tels que l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), la Faculté de Médecine et de Pharmacie, la Faculté d’Ethnologie et la Faculté de Droit et des Sciences Économiques sont désormais sous la menace constante des groupes armés.

Les zones stratégiques et vitales telles que la Grand-Rue, la rue Pavée, la rue Monseigneur Guilloux, la rue Charreron, la rue des Casernes, la rue des Miracles, la rue Lamarre, Kafou Rezistans et le Poste Marchand, jadis animées et pleines de vie, sont aujourd’hui les lieux d’affrontements violents entre les forces de l’ordre et les groupes armés.

Les échanges de tirs, quotidiens, plongent les rares habitants restants dans une terreur omniprésente. Les véhicules blindés de la police nationale, surnommés « Ti Cha », patrouillent dans ces quartiers, mais leur présence ne fait qu’intensifier la peur des civils, qui se retrouvent pris au piège dans une guerre qui ne les concerne pas directement. La menace de ne pas être victime d’une balle perdue, ou de subir les conséquences d’une intervention policière mal coordonnée, est un fardeau quotidien pour ceux qui vivent parmi ces hommes armés.

Ce contraste entre les zones « paisibles » et celles où règne la terreur met en lumière l’ampleur du déclin sécuritaire du pays, un déclin qui ne découle pas simplement de l’action des gangs, mais qui est également le fruit d’un État démissionnaire, incapable de garantir la sécurité de ses citoyens.

D’une part, une minorité bénéficie encore d’une relative tranquillité, tandis que, d’autre part, une majorité vit dans une peur constante, subissant les violences des gangs et l’incapacité de l’État à rétablir l’ordre. Cette situation de chaos n’est pas le résultat d’un simple hasard, mais bien le produit d’années de mauvaise gouvernance, de corruption, et d’indifférence des autorités face à l’urgence de la situation.

Dans ce contexte, de nombreuses familles se retrouvent piégées. Elles n’ont nulle part où aller, et sont forcées de vivre dans des conditions extrêmes, constamment sous la menace des armes. L’angoisse qui pèse sur elles n’est pas seulement celle d’une violence à venir, mais aussi celle d’une incertitude liée à la survie quotidienne.

Pour certaines familles, la peur est encore plus grande lorsqu’elles doivent élever des enfants dans ces conditions inhumaines. Ces enfants, innocents, grandissent au milieu de ce chaos, exposés à des scènes de violence, et souvent témoins de l’impunité qui régit ces zones sous contrôle des gangs.

En définitive, Haïti est aujourd’hui un pays aux deux visages. D’un côté, une minorité vit dans une relative liberté, profitant de l’illusion d’une normalité préservée ; de l’autre, une majorité est laissée à elle-même, subissant les violences des groupes armés et l’indifférence des autorités.

Ce contraste criant met en lumière la faillite d’un État irresponsable, complice de la dérive sécuritaire du pays. Si rien n’est fait pour rétablir l’ordre et protéger la population, la ligne de fracture entre ces deux réalités risque de disparaître, emportant avec elle les derniers espoirs d’un avenir meilleur pour le pays.

Dans cette situation d’incertitude, la pression psychologique quotidienne que subissent ceux qui vivent parmi les hommes armés est insoutenable. Ils sont constamment exposés à des risques de violences, et l’absence de soutien de l’État laisse place à un désespoir croissant.

Les Haïtiens de ces quartiers sont enfermés dans une réalité de terreur, sans espoir d’évasion ni d’amélioration de leur situation. Les jeunes, en particulier, sont marqués par cette violence permanente, et l’avenir de tout un pays semble suspendu à cette lutte pour la survie.

Steeve Luc PIERRE

GPL Media Libre

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